Comment de jeunes chercheuses africaines œuvrent pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées

unnamedLa recrudescence des conflits violents depuis 2010 a entraîné des niveaux records de déplacements forcés. Après avoir laissé derrière elles leurs biens et leurs moyens de subsistance, nombre des personnes déplacées peinent à entrevoir des perspectives d’avenir. Beaucoup souffrent de traumatismes, et les femmes et les filles sont particulièrement exposées aux violences interpersonnelles et sexistes. Pour étudier les effets des déplacements forcés sur les plus vulnérables, la Banque mondiale a recruté dix jeunes universitaires qui, entre juillet 2018 et juin 2019, ont travaillé sur ce sujet dans le cadre de son Programme de bourses pour les étudiants-chercheurs africains, mené en collaboration avec le DFID.

Pour ces universitaires, l’un des plus grands défis à relever pour mener à bien leurs projets de recherche était de trouver des données sur les effets à long terme des déplacements forcés, notamment en matière de violences faites aux femmes et de santé des enfants. Récemment, les bénéficiaires du programme se sont réunis pour discuter de ces difficultés et partager leurs expériences. Ces jeunes universitaires étant issus de pays touchés par les conflits et la violence, les échanges ont été particulièrement authentiques et instructifs. Voici un extrait de notre conversation avec Aissata Coulibaly (Côte d’Ivoire), Claudia Noumedem Temgoua (Cameroun), Kevwe Pela (Nigéria), Soazic Elise Wang Sonne (Cameroun) et Uche Ekhator (Nigéria).

Pourquoi avez-vous postulé à ce programme de bourses ?

Kevwe : J’ai été témoin des actes perpétrés par les rebelles de Boko Haram et de leurs conséquences sur les moyens de subsistance de la population. J’ai pensé que rejoindre le programme et la Banque mondiale serait un bon moyen pour moi d’aider ces gens à améliorer leurs conditions de vie. Je voulais faire quelque chose en faveur des populations les plus vulnérables.

Aissata : J’ai postulé au programme parce qu’il ciblait le problème de la fragilité, des conflits et de la violence. Je viens de Côte d’Ivoire, un pays qui sort d’un conflit et qui rencontre de nombreuses difficultés de développement. Comme il y a des réfugiés ivoiriens dans les pays voisins, je m’intéressais aussi aux conséquences des déplacements forcés. Le programme me donnait la possibilité d’étudier ces questions.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées en travaillant sur vos sujets de recherche ? 

Uche : Le sempiternel problème que rencontre tout chercheur : quelles données et quelle méthodologie utiliser ? Pour mes recherches, qui portaient sur les violences au sein du couple, la difficulté était de savoir comment je pourrais étudier empiriquement ces données pour produire des résultats quantitatifs utiles à la définition de politiques. L’un des défis de la recherche sur la violence à l’encontre des femmes est le manque de données, en raison notamment de la réticence des victimes à parler de ce qu’elles ont subi. Je me souviens que j’ai passé les premiers mois à simplement faire le tour de ce problème.

Claudia : L’une des principales difficultés était que nous disposions d’un an seulement pour produire deux documents de recherche de qualité et publiables. C’était une véritable gageure, étant donné la quantité limitée de données et du peu de littérature existante sur les sujets que nous avions choisis. Cela aurait pu nous prendre bien plus de temps, mais chacun de nous a fait tout son possible pour mener à bien ses travaux dans les délais qui nous étaient impartis.

Comment se sont passées votre collaboration et la coécriture de vos articles avec des collègues de la Banque mondiale et d’autres organisations ? 

Uche : Ce fut une expérience formidable. L’une des choses que j’ai apprises grâce à ce programme, c’est combien il est essentiel de tenir compte du point de vue des autres quand on traite de développement. Il n’est plus aussi important pour moi de dire que j’ai fait ce travail toute seule, car il ne s’agit plus de recherche économique à proprement parler, mais ce sont des données et des études qui seront lues par les responsables politiques et qui pourront faire une différence.

Kevwe : J’ajouterais que, grâce à cette bourse, nous travaillons avec les principaux professionnels du domaine au sein de la Banque mondiale, et qu’il s’agit d’une véritable collaboration. Au bout du compte, nous souhaitons que notre travail soit utile et qu’il permette d’amorcer des discussions pouvant contribuer à l’agenda du développement.

À quoi vous consacrez-vous à présent ?

Kevwe : J’ai eu la chance d’intégrer le programme des jeunes professionnels de la Banque mondiale, en grande partie grâce à la bourse. Je travaille au pôle mondial d’expertise en Travail et protection sociale dans la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord, en particulier en Iraq. Nous menons actuellement un projet pilote pour voir si les transferts monétaires peuvent contribuer à sortir les gens de la pauvreté.

Aissata : Mon expérience est similaire à celle de Kevwe. Grâce au programme, j’ai pu intégrer la Banque mondiale en tant que jeune professionnelle. J’ai rencontré beaucoup de jeunes très compétents dans leur domaine à l’image de mes collègues ici présentes, j’en suis très heureuse et j’espère que nous continuerons à travailler ensemble. Je vais m’intéresser aux questions de développement en République démocratique du Congo et en République centrafricaine, deux pays qui sont confrontés aux problèmes de déplacements internes et de réfugiés.

Uche : Mon article a été coécrit avec un économiste principal de la cellule Genre et égalité des sexes et, à présent, je travaille à sa publication afin d’enrichir la base de connaissances sur les violences faites aux femmes et les conflits. Nous allons élargir notre recherche pour étudier l’effet des conflits sur la composition des ménages. Ce sujet me tient à cœur et je veux continuer à travailler pour sensibiliser aux questions de genre, en particulier dans les situations de conflit.

Elise : Juste après la fin du programme, j’ai été recrutée en tant que jeune professionnelle au sein du pôle d’expertise en Développement social, où j’appuie actuellement le DRDIP, un projet d’aide au développement en réponse aux conséquences des déplacements de population dans la corne de l’Afrique. L’objectif principal est d’évaluer l’impact socioéconomique d’une intervention de développement pilotée par la communauté pour instaurer la confiance et la cohésion sociale entre les réfugiés et les populations qui les accueillent.

Ce programme de bourses s’inscrit dans le cadre de l’initiative Building the Evidence on Protracted Forced Displacement (a), financée par le ministère du Développement international du Royaume-Uni (DFID).

Par Rebecca Ong, consultante en communication

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