Drôle de valse à Coronthie ! (Par Tierno Monénembo)

Hier, c’était Kassory Fofana et ses sbires qui plastronnaient au sommet de l’Etat, cigare à la bouche, coupe de champagne à la main, ventrus et arrogants comme tous les parvenus le sont.

Pendant ce temps, Ousmane Gaoual, Foninké Mangué, Chérif Bah, Etienne Soropogui et tous ceux qui faisaient figure de petits emmerdeurs dans la cour (devrais-je dire Cour des Miracles ?) du roi Alpha Condé, croupissaient dans les mouroirs de la Maison Centrale, infestés de chenilles et de chiques, mordus par les rats, en proie aux assauts impitoyables de la chiasse et de la malaria, du Coronavirus et de la tuberculose.

Aujourd’hui, c’est l’inverse : Ousmane Gaoual a cédé son pucier à ses anciens tortionnaires contre le bureau luxueux d’un grand ministère. Ainsi va, la vie, dans ce pays de dingues qui est le nôtre ! A chacun, son tour ! Notre misérable histoire ne propose que deux rôles principaux à jouer : celui de martyr ou celui de bourreau, rien d’autre ! Hier, c’est moi qui me trouvais sous la gégène, aujourd’hui, c’est toi !

Le bilan de notre Indépendance n’est pas catastrophique, il est électrocuté. On raconte qu’au temps de Sékou Touré, le seul endroit de Guinée qui ne tombait jamais en panne de courant, c’était la « cabine technique » du Camp Boiro. Et pour cause, la torture était alors la seule industrie en activité !

Qu’est-ce que nous sommes cons ! Brader nos mines et nous jeter mutuellement en prison, nous ne savons rien faire d’autre que ça ! Que voulez-vous ? Sortis de nulle part, sans passé et sans avenir, les roitelets qui nous gouvernent perdent la tête dès que la botte du hasard les propulse au sommet du pouvoir. Ils blablatent, ils tournent en rond, ils disent des gros mots, ils s’occupent de petites choses puis ils disparaissent sans laisser de traces ni dans le registre de l’Histoire ni même dans le souvenir de leurs semblables. Triste sort que celui de notre pays ! Qu’avons-nous fait au bon dieu ?

Les régimes qui se sont succédé en Guinée depuis l’Indépendance se ressemblent comme des frères jumeaux. Ils sont tous sans qualité et leurs défauts sont exactement les mêmes : l’incompétence-crasse, le tribalisme et la brutalité. Et leurs travers ont si profondément marqué notre société qu’on ne sait plus à quel saint se vouer. Il nous faudrait un spectaculaire saut d’énergie collectif pour arriver à  bout de l’infernal cercle vicieux qui nous consume, celui de la répression et de la corruption. Encore, faudrait-il commencer par nous regarder dans une glace et nous dire que c’est nous et personne d’autre, les responsables des malheurs de ce pays. Ce n’est pas seulement lâche de tout remettre sur le dos des autres, c’est aussi inefficace et largement contre-productif. Vivement, le jour où nous apprendrons à nous voir sans haine mais aussi sans faux-fuyant, sans complaisance.

D’ici-là, le jeu pervers du « je te tiens, tu me tiens par les menottes » a toutes les chances de cartonner. Aujourd’hui, Ousmane Gaoual, au palais, Kassory, au gnouf. Qu’en sera-t-il demain ?

S’il vous plaît, Messieurs les geôliers, réservez un matelas pour le Lieutenant-Colonel Mamadi Doumbouya ! On ne sait jamais.

Tierno Monénembo, in Le Lynx

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