Vous avez dit ministère de la Justice et des Droits de l’homme, dans un pays comme la Guinée ? (Par El Bechir)

Normalement, un seul et même ministère ne devrait pas avoir en charge la justice et les droits de l’homme dans un pays où la démocratie est une utopie et l’État de droit un serpent de mer.

Si les ONG articulent, par exemple, des griefs contre le gouvernement ou l’appareil judiciaire en ce qui concerne les droits humains, comme cela arrive souvent dans les pays où la justice obéit au pouvoir central, qui va arbitrer, qui va trancher ?

Sous Alpha Condé, le ministre des Droits de l’homme Khalifa Gassama Diaby pouvait faire libérer un manifestant pacifique détenu arbitrairement dans un commissariat de police ou un poste de gendarmerie. Il était certes de l’exécutif mais pouvait, par ses attributions, s’opposer à l’exécutif si celui-ci ordonnait les répressions et les incarcérations (on le voyait aussi aller seul sur l’Axe calmer les jeunes en colère et les ramener à l’ordre par son prestige et sa force de persuasion).

L’actuel ministre de la Justice et des Droits de l’homme le pourrait-il, étant à la fois celui qui décide en justice mais aussi en droits humains, deux choses souvent antithétiques dans les démocraties de façade ? Assurément, non !

Donc les Droits de l’homme doivent être découplés de la Justice.

Par contre, on concevrait bien un ministère couplant la Bonne gouvernance et les Droits humains. Ce serait comme un contre-pouvoir au sein de l’exécutif même, un ministère qui moraliserait la vie publique, contraindrait le gouvernement à l’orthodoxie financière et lui ferait respecter les droits humains.

Là il y aurait une logique, ce serait comme une auto-évaluation de l’exécutif, à chaud ou à froid.

Chez nous, un ministre de la Justice, un commis inféodé au magistrat suprême, ne peut en aucun cas être un défenseur des droits de l’homme. Sa balance penchera toujours vers celui qui ouvre ou ferme les vannes à ses ministres. Et rares sont les Guinéens prêts à sacrifier leurs intérêts pour leurs idées et idéaux, comme Williams Sassine, Bana Sidibé ou Jean-Claude Diallo. La devise nationale est : il ne faut pas être un pauvre diable, personne ne te félicitera d’avoir vieilli sans sou ni toit.

Sagesse pratique immorale contre pragmatisme cynique et antipatriotique, dans un pays où l’on n’hérite rien de licite de ses parents sinon le dénuement et la disette.

Par El Bechir Diallo

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