L’imam et le tyran (Par Tierno Monénembo)

C’est le genre de propos qui ne peut sortir que de la bouche d’un marabout guinéen. Mamadou Saliou Camara, l’imam de la mosquée Fayçal de Conakry, vient de rendre un vibrant hommage au très tyrannique premier président de la Guinée : « Je voudrais rendre hommage au président fondateur de l’Etat guinéen, Ahmed Sékou Touré ».

Par ailleurs, le même gardien de la morale religieuse a lancé un sermon, que dis-je, une fatwa, à l’endroit de notre tumultueuse jeunesse : « Un bon musulman n’a pas de copine. Il peut avoir une épouse mais une copine, c’est non ».

Ah la belle morale !

Je lis ces deux déclarations de notre vénérable marabout et les questions se bousculent dans ma tête. Mener une vie de tyran et entretenir une relation amoureuse avec une copine, de quel côté, le pêché ? Offrir des fleurs à sa bien-aimée ou tresser des couronnes à un sanguinaire, de quel côté penchera la balance le jour du jugement dernier ?

Je suppose que s’il y a une hiérarchie des péchés, la tyrannie occuperait le plus haut degré. En tout cas, ce sont toujours des tyrans qui ont martyrisé les prophètes : le pharaon, s’agissant de Moïse, Ponce Pilate, pour ce qui est du Christ et les rois de La Mecque dans le cas de Mohamed.

Est-ce musulman que d’acclamer un président qui a organisé des séries de pendaisons publiques et incité la foule à loger des tiges de métal dans les parties génitales des cadavres ? Devant Dieu comme devant les hommes, un imam a-t-il le droit d’encenser le fondateur du Camp Boiro ; ce sinistre camp de concentration où l’on recueillait les aveux sous la torture, où l’on privait les détenus de boisson et de nourriture jusqu’à ce que mort s’en suive ?

Je vous assure, Monsieur l’imam que si un président sénégalais tentait ne serait-ce que 1% de ce que font les diaboliques dirigeants guinéens, tous les marabouts du Sénégal se ligueraient pour le maudire. On comprend pourquoi le vent de la bénédiction divine ne souffle jamais dans notre pays. Il y a des choses que le bon dieu ne pardonne pas.

Dans la charia comme dans l’habeas corpus moderne, tout accusé a droit à un jugement. Chez Sékou Touré, jamais ! Dans la charia comme dans les mœurs africaines, tout défunt a droit à une tombe. Chez Sékou Touré, jamais ! Quelle est cette monstrueuse société qui est la nôtre où l’on oublie d’enterrer les morts ?

Selon Amnesty International, le sanguinaire « Responsable Suprême de la Révolution » a trucidé près de Cinquante mille Guinéens. « Celui qui tue un homme a tué l’humanité entière », a dit un jour, le prophète. A-t-on vu un seul prêtre, un seul marabout guinéen proposer une messe, une salat janaza voire un enterrement d’ordre symbolique pour ces milliers d’âmes errantes qui hantent nos nuits et accablent lourdement notre conscience nationale ? Non, nos chefs religieux ne sont jamais du côté de la veuve et de l’orphelin mais toujours du côté du pouvoir pour quémander un bol de gombo ou une calebasse de bourakhé. Ils sont tous plus près de leur confort personnel que de la parole du bon dieu.

Avez-vous remarqué, Monsieur l’imam que le bon dieu n’a jamais choisi ses prophètes chez les riches et chez les puissants mais toujours chez les humbles, chez les malheureux, chez les misquines, comme disent les Arabes ? Moïse était un enfant abandonné, Jésus, le fils d’un charpentier et Mahomet, un enfant pauvre et orphelin.

Sortez des palais présidentiels et des ministères, messieurs les chefs religieux, allez vers les hôpitaux, les prisons, les mouroirs etc. On ne peut pas croire en Dieu et s’acoquiner avec ces cafres de présidents africains férus de magie noire et de sacrifices humains. Dieu est du côté des victimes, pas de celui des bourreaux !

Par Tierno Monénembo

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